Communiqué de Julien Lescarret
Dans un communiqué, Julien Lescarret annonce la fin de sa
carrière pour 2012
"Un jour de mai 1992, je faisais mes premiers pas dans une
arène du coté de Tolède. 20 ans plus tard, et toujours dans
l'arène, je valorise ce choix de vie qui me comble de bonheur.
Parmi toutes ces années, ma trajectoire sera devenue sérieuse et
professionnelle le 7 juillet 2002 à Eauze, lors de mon alternative.
C'est donc l'année prochaine que je fêterai mes 10 ans de carrière
de matador de toros, ainsi que ma 100e corrida européenne (98 pour
l'instant). Il s'agit pour chaque torero, d'un anniversaire
symbolique et important. Un évènement qui met en lumière le
parcours accompli, les joies et les difficultés endurées, le
respect qu'il impose et la passion qu'il suppose. Je souhaite donc
créer l'évènement dans ces mêmes arènes gersoises, en proposant une
corrida aux diverses curiosités artistiques, mêlant musique,
peinture et littérature et toros. Un projet déjà partagé avec
Michel Gabas, Maire d'Eauze. Ainsi donc 2012 sera pour moi un
anniversaire mais pas seulement. Ce sera aussi une année sans
"apoderado", puisque Olivier Baratchart et moi-même avons décidés
d'un commun accord de ne pas poursuivre notre collaboration
professionnelle.
Ensemble, nous avons traversé la France, l'Espagne et
l'Atlantique pour le Mexique et la Guadeloupe. Ensemble, nous avons
connu les triomphes et les échecs. Ensemble, nous avons souffert
des blessures. Ensemble, nous avons lié une amitié qui va au-delà
du milieu taurin. Toutefois notre aventure professionnelle arrive
au bout de sa route, et je poursuivrai seul la négociation de mes
futurs contrats. J'ai par conséquent l'intention de m'adresser
directement à tous ceux qui seront à la direction des arènes afin
de signer mon inclusion dans les cartels ou j'estime avoir ma
place.
2012 ? un anniversaire, une séparation, mais pas seulement.
Elle sera sans nul doute ma dernière saison en tant que
matador de toros. Un choix réfléchi et poussé par mon ressenti, qui
d'ailleurs aura toujours été mon guide dans ma passion. J'ose
porter un regard de fierté sur le chemin que j'ai emprunté,
essayant d'exister par le mérite et par la générosité, portant le
flambeau de l'aficion d'Aquitaine à travers le monde. Je souhaite
durant encore une saison, partager ce que je suis et ce qui me
définit dans les "ruedos" d'ici et d'ailleurs. A ce jeu-là, je n'ai
pas l'intention de lancer une grande tournée d'adieux, d'abord
parce que j'estime ne pas la mériter, mais aussi parce que
j'aimerais rester le plus sincère possible avec les aficionados, et
leur proposer une "despedida" de qualité.
J'aime encore à croire, même au regard de ma dernière
temporada sans grand succès, que je suis capable d'attiser la
curiosité et le questionnement avant de me retirer. Sachez qu'il
s'agit d'un départ définitif, et que de nombreuses joies
m'attendent. Il ne reste qu'à aller les chercher là où elles se
trouvent. J'en profite, ici, pour remercier tous ceux qui m'ont
encouragé, soutenu, suivi. Tous ceux qui ont fait de mes instants
taurins une richesse. Je vous annonce aussi deux bonnes nouvelles :
- À l'occasion de mes 10 ans d'alternative, paraîtra en mai
2012, un livre aux éditions du Diable Vauvert, dans lequel j'écris
mes souvenirs taurins, avec la participation de nombreux amis
artistes tels que Zocato, Marmande, Charnet, Loren, Sodore, Salvat,
Volle ?
- Une collection limitée de chemise à l'image de mon futur
costume, verra le jour sous la marque Banderillas .
Merci à tous de votre attention.
Sachez que je pars pour la Colombie pour honorer un contrat à
Cali le 13 novembre et représenter la France au cartel de la
corrida de la Hispanidad.
Carpe diem."
Julien Lescarret
Julien Lescarret arrête sa carrière en 2012 , "ni usé ni frustré"
Le matador Julien Lescarret a décidé d'arrêter sa carrière
en 2012
Le téléphone mobile sonne, encore une fois, hier, à cette
table d'une terrasse ensoleillée de Bayonne : « Allô ? Oui… Merci,
vraiment… » Julien Lescarret mesure à la succession des sonneries
la sympathie des gens à son endroit, au-delà du cercle des très
proches. « C'est vraiment touchant. » La veille, le matador
aquitain, installé à Bayonne, annonçait la fin de sa carrière en
2012. Une dernière saison qui scellera dix ans d'alternative.
« Et, c'est un heureux hasard, 20 ans face aux toros. Car
j'ai toréé ma première vache en 1992. Tout ça est très symbolique
pour moi. » Arrêter comme se lancer en tauromachie relève d'une
solitude. « C'est une décision intime que j'ai prise très récemment
», confie Julien Lescarret. Lors d'une semaine de repos et de
réflexion en famille, au Cap-Ferret, après sa dernière corrida, le
11 septembre, en Arles.
« Au bout du plaisir »
Le torero arrête et cela n'a rien de tragique. Le jeune
homme n'a jamais eu le goût du drame largement partagé par le
milieu taurin. Pas d'inclination particulière à l'effusion. « La
tauromachie, ce n'est pas à la vie à la mort, pour moi. C'est une
passion qui le restera. Les toros seront toujours là, j'y prendrai
toujours du plaisir, mais sans me donner en spectacle. »
Le jeune père parle avec la lucidité qui a toujours été la
sienne et fait sa singularité dans ce monde d'élans célestes,
d'immodération congénitale. Il analyse son chemin, en est fier,
mais est allé « au bout du plaisir ». Cela dans le périmètre que
lui a permis un parcours essentiellement français. Une petite
dizaine de contrats par an. Assez pour vivre en matador. Trop peu
pour développer une tauromachie affranchie de la pression du
contrat suivant, donc libre de ses explorations. « Ma carrière n'a
pas pris son envol au-delà de nos frontières. Je n'ai pas eu la
possibilité de proposer autre chose à un public qui me connaît
tellement et que je connais tellement. »
Intégrité
Leur relation est aboutie. Mature. Julien Lescarret a donné à
ceux qui l'estiment tout ce qu'il a pu, « toujours avec optimisme
». Le matador se situe dans l'éthique de ses pairs : « En partant,
je m'efforce d'être intègre, d'assumer en torero. Je ne veux pas
mentir et me mentir. » Pas non plus voir dix années respectées de
l'aficion s'étioler dans la pathétique irrésolution des vieux
beaux. « Je ne suis pas un voleur de passion. Je ne veux pas forcer
le désir, essayer d'aller au-delà de ce qu'on veut me donner. »
Julien Lescarret n'entend pas être chassé, encore moins attendre
l'aumône d'une date de plus. « Je ne veux pas que le manque de
contrats me pousse à partir. Je veux être maître de mon départ. »
Et il le conçoit conforme à sa réalité. Il situe sa
tauromachie « parmi les hommes, pas chez les dieux ». Alors, quand
lui est proposée une hypothétique corrida madrilène pour la pompe
et le verni, il décline l'idée. « Je ne suis pas une vedette. Je ne
veux pas d'un jubilé factice et je ne vais pas prendre la place
d'un autre. »
Il ne trahira pas son propre parcours. Il quittera l'arène
comme il y a cheminé, « sans amertume ni frustration, avec bonheur
».
L'entretien s'achève sur une énième sonnerie. Julien
Lescarret s'excuse. « Allô ? Merci… »
Sud Ouest | Pierre Penin