Tauromachie : Lescarret en mission
Retiré du circuit professionnel, le matador promeut sa discipline. À sa façon.
Julien Lescarret n'éprouve « ni regret, ni frustration ». Le matador de toros ancré à Bayonne a refermé cet été dix ans de carrière « avec le sentiment d'avoir vécu une vie de lumière, comme un privilégié ». Le 14 septembre dernier, à Nîmes, il affrontait ses derniers toros dans le contexte officiel d'une grande feria. Le torero consacre sa nouvelle vie à la promotion de sa discipline, dans une marge revendiquée des codes traditionnels.
Il est parti « sans calculer », sur « un ressenti ». Certain de sa trace dans le monde de la tauromachie. Elle ne dessine de précieuses arabesques, mais certainement le droit sillon d'un torero sincère. « Je laisse l'image de ce que je crois être l'essence de la corrida. » D'abord un combat.
Ambassadeur
Les temps changeants semblent reconnaître ce fondement. Porter ces hommes de la dure, invariablement promis aux corridas réputées coriaces. Loin du bétail de complaisance choisi par quelques riches vedettes. « Peut-être que je ne pars pas au bon moment. Peut-être que l'année prochaine, les toreros de ma catégorie seront revalorisés par le public et les organisateurs. » Qui sait… Julien Lescarret revendique un rôle d'« ambassadeur de (sa) passion ». « Je peux en parler en connaissance de cause et ça me permet une reconversion légitime, choisie. »
Il plaide donc une certaine idée de la corrida, au cours de conférences. Devant des aficionados, comme des néophytes. « J'essaie de me tourner vers les jeunes, de parler leur langage. » Il le sait, les victoires institutionnelles (1) sauvent peut-être durablement les arènes, mais ne suffiront pas à les remplir. Et la désaffection du public, que son fondement soit économique ou philosophique, est le plus grand des périls. « Il faut attirer à de nouveaux publics. Je me sens en mission. »
Le prêcheur peut dispenser la bonne parole sur les ondes de France Bleu Gascogne. Tous les samedis, dans l'émission « Callejon ». « L'hiver, elle prend la forme d'un talk-show, avec des invités. On essaie d'être dynamique, d'y mettre un peu d'humour. » Vulgariser, démocratiser la chose taurine : voilà le propos.
Show
Séduire, aussi. Car Julien Lescarret revendique une approche décalée, au risque de faire dresser quelques cheveux sur des crânes chauves. Les gardiens de l'orthodoxie taurine s'étrangleront peut-être, mais lui veut donner « un nouvel habillage », résonner en terme de « show », pour une audience élargie. Vision partagée avec le sauteur landais Nicolas Vergonzeanne, organisateur à Bayonne de la « Nuit du toro », où les meilleurs coursayres affrontaient des toros braves. « On travaille ensemble au sein de Boletero, sa société. On a envie de dynamiser et de donner un spectacle alternatif. » À côté de la tradition. Pour, peut-être y conduire en douceur ce « nouveau public ».
En août, il proposera un festival nocturne, à Mimizan. « Je me dis que ça se prêtera au son et à la lumière… » Et d'insister sur la nécessité de « tarifs populaires » pour attirer les futurs aficionados. Un autre festival, le 6 avril, à Mont-de-Marsan, appliquera des cachets indexés sur la fréquentation pour les toreros. « Ils auront une part fixe et un autre qui correspondra à un pourcentage des bénéfices. Une rétribution au réel. » C'est le moyen le plus sûr d'équilibrer les comptes. Récemment, le maire de Bayonne Jean Grenet louait la logique naturelle d'un tel fonctionnement. Bayonne qui s'est distinguée parmi les places françaises par une politique budgétaire pointilleuse en 2012 (2).
Julien Lescarret n'est pas en proie au torero blues. Entre l'ouverture prochaine d'une charcuterie espagnole, à Bayonne, et l'organisation d'un toreo de salon, le 19 décembre après-midi, sur le mail devant le cercle taurin, « je n'ai pas le temps de déprimer », sourit-il.
Mais il n'oublie pas l'essentiel à ses yeux : « Il faut souligner que le torero de salon est ouvert à tous. La tauromachie peut être n'importe où et n'importe quand. » Comprendre surtout où et quand on ne l'attend pas.
(1) La tauromachie a été inscrite au patrimoine culturel de la France et validée par le Conseil constitutionnel.
(2) Après un lourd déficit en 2011, la Ville a réduit le nombre de corridas à Bayonne et réduit drastiquement les coûts pour dégager un bénéfice de 100 000 euros.
Retiré du circuit professionnel, le matador promeut sa discipline. À sa façon.
Julien Lescarret n'éprouve « ni regret, ni frustration ». Le matador de toros ancré à Bayonne a refermé cet été dix ans de carrière « avec le sentiment d'avoir vécu une vie de lumière, comme un privilégié ». Le 14 septembre dernier, à Nîmes, il affrontait ses derniers toros dans le contexte officiel d'une grande feria. Le torero consacre sa nouvelle vie à la promotion de sa discipline, dans une marge revendiquée des codes traditionnels.
Il est parti « sans calculer », sur « un ressenti ». Certain de sa trace dans le monde de la tauromachie. Elle ne dessine de précieuses arabesques, mais certainement le droit sillon d'un torero sincère. « Je laisse l'image de ce que je crois être l'essence de la corrida. » D'abord un combat.
Ambassadeur
Les temps changeants semblent reconnaître ce fondement. Porter ces hommes de la dure, invariablement promis aux corridas réputées coriaces. Loin du bétail de complaisance choisi par quelques riches vedettes. « Peut-être que je ne pars pas au bon moment. Peut-être que l'année prochaine, les toreros de ma catégorie seront revalorisés par le public et les organisateurs. » Qui sait… Julien Lescarret revendique un rôle d'« ambassadeur de (sa) passion ». « Je peux en parler en connaissance de cause et ça me permet une reconversion légitime, choisie. »
Il plaide donc une certaine idée de la corrida, au cours de conférences. Devant des aficionados, comme des néophytes. « J'essaie de me tourner vers les jeunes, de parler leur langage. » Il le sait, les victoires institutionnelles (1) sauvent peut-être durablement les arènes, mais ne suffiront pas à les remplir. Et la désaffection du public, que son fondement soit économique ou philosophique, est le plus grand des périls. « Il faut attirer à de nouveaux publics. Je me sens en mission. »
Le prêcheur peut dispenser la bonne parole sur les ondes de France Bleu Gascogne. Tous les samedis, dans l'émission « Callejon ». « L'hiver, elle prend la forme d'un talk-show, avec des invités. On essaie d'être dynamique, d'y mettre un peu d'humour. » Vulgariser, démocratiser la chose taurine : voilà le propos.
Show
Séduire, aussi. Car Julien Lescarret revendique une approche décalée, au risque de faire dresser quelques cheveux sur des crânes chauves. Les gardiens de l'orthodoxie taurine s'étrangleront peut-être, mais lui veut donner « un nouvel habillage », résonner en terme de « show », pour une audience élargie. Vision partagée avec le sauteur landais Nicolas Vergonzeanne, organisateur à Bayonne de la « Nuit du toro », où les meilleurs coursayres affrontaient des toros braves. « On travaille ensemble au sein de Boletero, sa société. On a envie de dynamiser et de donner un spectacle alternatif. » À côté de la tradition. Pour, peut-être y conduire en douceur ce « nouveau public ».
En août, il proposera un festival nocturne, à Mimizan. « Je me dis que ça se prêtera au son et à la lumière… » Et d'insister sur la nécessité de « tarifs populaires » pour attirer les futurs aficionados. Un autre festival, le 6 avril, à Mont-de-Marsan, appliquera des cachets indexés sur la fréquentation pour les toreros. « Ils auront une part fixe et un autre qui correspondra à un pourcentage des bénéfices. Une rétribution au réel. » C'est le moyen le plus sûr d'équilibrer les comptes. Récemment, le maire de Bayonne Jean Grenet louait la logique naturelle d'un tel fonctionnement. Bayonne qui s'est distinguée parmi les places françaises par une politique budgétaire pointilleuse en 2012 (2).
Julien Lescarret n'est pas en proie au torero blues. Entre l'ouverture prochaine d'une charcuterie espagnole, à Bayonne, et l'organisation d'un toreo de salon, le 19 décembre après-midi, sur le mail devant le cercle taurin, « je n'ai pas le temps de déprimer », sourit-il.
Mais il n'oublie pas l'essentiel à ses yeux : « Il faut souligner que le torero de salon est ouvert à tous. La tauromachie peut être n'importe où et n'importe quand. » Comprendre surtout où et quand on ne l'attend pas.
(1) La tauromachie a été inscrite au patrimoine culturel de la France et validée par le Conseil constitutionnel.
(2) Après un lourd déficit en 2011, la Ville a réduit le nombre de corridas à Bayonne et réduit drastiquement les coûts pour dégager un bénéfice de 100 000 euros.
Sud Ouest | Pierre Penin | 28
novembre 2012